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Roccapina


Au-dessus de la Cala di Roccapina, il est un roi pétrifié qui, depuis des milliers d'années, veille sur les côtes découpées et le maquis escarpé. Du haut de ses 144 mètres, ce lion de pierre a tout vu, sans doute bien plus que nous ne le saurons jamais, présent de jour comme de nuit sur ce site à la croisée d'une nature sauvage et d'un jardin idyllique.


Quand la nature se fait artiste

 
A voir le lion et l'éléphant de Roccapina, comment ne pas imaginer la main de quelque artiste de la préhistoire venu exprimer sa perception d'un autre monde, traduite en un Land Art mégalithique à la fois figuratif et fantastique ?  Ce serait ignorer le matériau sculpté, le granite, et douter de la force créatrice des éléments naturels: l'eau, le vent, le sel et le soleil, tous quatre associés pour un incroyable ouvrage. Remontons aux origines. Il y a 300 millions d'années, naissait dans le magma ce granite à grain clair constitué de quatre cristaux: un de quartz, deux de Feldspath, les plus durs et un de mica, le plus tendre. Dégagée de terre par l'érosion, cette roche plutonique refroidie et cristallisée dans les profondeurs, fissurée en maints quadrilatères, s'altérera peu à peu pour créer de gigantesques chaos rocheux. D'angles vifs en arêtes courbes, ces blocs s'arrondiront jusqu'à devenir, à certains endroits, des boules.
Creusées grains à grain, ces roches formeront un des bestiaires les plus imaginatifs de la planète, donnant naissance à des histoires à faire rêver les plus petits et faire frémir les plus grands. Pour un scientifique, cela ne fait aucun doute: ce sont les cristaux de sel qui sont à l'origine de ce travail et de cette collection unique de taffoni que l'on rencontre dans le Sartenais. En effet, en cristallisant, le sel augmente de volume. Il s'insère entre les cristaux de roches qui, peu à peu, se délitent, formant à la base de la masse rocheuse altérée, une arène granitique qui; avec les eaux de ruissellement, constitue le sable des plages. Les micas sont les premiers à partir, mais inexorablement les autres cristaux cèdent sous la pression. Ainsi, peu à peu, formes et cavités se modèlent. On se plait à rêver que ces sculptures en pierre pourraient bien être d'origine surnaturelle. Dans les légendes, les taffoni sont souvent des personnages pétrifiés par des anges ou démons, mettant en scène des âmes pures ou des malveillants, selon les lieux, les croyances et les sources. A bien regarder ces structures insolites, allez savoir qui, du scientifique ou du poète, a raison ?

Jardiner le maquis

 
A Roccapina, tout était déjà en place pour façonner un lieu extraordinaire. Encore fallait-il avoir une certaine vision de ce havre constitué de roche et de végétation persistante, et faire preuve de suffisamment de finesse et de connaissance pour l'aménager, sans jamais rien heurter et falsifier. Taffoni, chênes verts et oliviers centenaires, bruyères arborescentes, arbousiers et genévrier de Phénicie faisaient ici depuis longtemps partie du paysage, surplombant ou entourant de leur présence les construction des hommes. De citerne en Oriu pour hommes ou bêtes, d'enclos à brebis en poste de défense hauts perchés, il ne restait qu'à souligner le trait, à imaginer une déambulation sensorielle à fleur de roche, tantôt sous les voûtes sombres du maquistantôt sur les belvédères rocailleux illuminés de soleil et habités par les lézards tiliguerta. Ces aménagements sont désormais réalisés, à vous maintenant d'en découvrir l'attrait.

Description de la Balade de Roccapina


Au-delà de la vue paysagère que l'on a du col, le charme de cette balade ne réside pas dans les grands étendues mais dans la beauté de petits espaces aménagés avec subtilité, où la rencontre entre le promeneur et la nature se fait dans l'intimité, en présence d'un éléphant aussi massif que direct.
 
  • Du parking du col de Roccapina, face à la mer, descendez à droite par l'escalier en pierre, vers l'ancien jardin du cantonnier.
 

A moins de 300 mètres de la tour génoise de Roccapina, construite en 1610, vers la fin du programme de la "difesa torregiana", le lion de Roccapina présente une silhouette majestueuse. Sur sa tête, il porte en guise de crinière une enceinte fortifiée datant du Moyen Age. Sous sa gorge, un Taffoni a servi d'abri aux hommes qui circulent sur ce félin. Sur fond d'histoire d'amour, il y a celle d'un valeureux seigneur, surnommé par les Sarrasins le lion de Roccapina, qui épris d'une jolie bergère, ne put l'épouser. Gagné par la mélancolie, il aurait été pétrifié après avoir invoqué la mort. Moins triste mais plus inquiétante, une autre légende raconte que ce serait le diable qui aurait crée un lion terrifiant pour signifier à une belle jeune femme son désir et sa puissance. Econduit, il aurait, le dépit, pétrifié son lion. Par ailleurs, une phrase reprise en chanson, associant le lion de Roccapina et l'homme de Cagna, une boule en équilibre sur un sommet de l'arrière-pays, est très employée ici: Le lion de Roccapina dit à l'homme de Cagna " Toi tu regardes la mer et moi je regarde la montagne"
 
  • De l'ancien jardin du cantonnier, allez vers le Taffonu en forme d'éléphant puis, à la patte d'oie, prenez à droite vers l'enclos en pierre sèches et contournez-le à la main gauche.
 
L'ancien jardin du cantonnier est un lieu apaisant où, en espace réduit, l'essentiel est réuni. Savoir optimiser les lieux est en Corse une tradition, car depuis l'époque des grands propriétaires, bergers et paysans, pour bâtir leurs cabanes, devaient respecter la loi du maître qui exigeait que, lorsque l'on construisait, il fallait utiliser le moins de terre possible.
 
  • Après l'enclos à brebis, dans un virage, dépassez une première terrasse et poursuivez.
 
Cet enclos à brebis est un modèle du genre. Observez bien les embases et le haut de cette enceinte en pierre sèches. Au sol, ce sont de gros blocs qui ont été utilisés pour les fondations tandis qu'au faîte du mur, ce sont de larges dalles qui ont été posées en couverture, afin d'éviter les infiltrations et d'assurer la tenue des parements en moellons. Le portail est lui aussi de facture traditionnelle. Fabriqué avec de l'oléastre coupé à la vieille lune- bois utilisé par ailleurs pour les piquets de clôture, les barrières et les charpentes- Il est d'une grande résistance aux intempéries.
 
  • Au rocher en forme de champignon, prenez à droite le sentier qui mène au belvédère.
 
Un grande partie des essence du maquis est utilisée par l'homme. Si l'oléastre, ou olivier sauvage, est en bois dur, d'autres, comme le genévrier de Phénicie, le sont plus encore. Ce "bois de fer" donne des charpentes centenaires. Nombre de bois à forte densité étaient utilisés ici pour la fabrication du charbon de bois, produit sur des charbonnières à l'abris de l'air, avant d'être exporté a Bastia pour alimenter les hauts-fourneaux.
 
  • ​A la descente du belvédère, prenez l'embranchement de droite et passez entre les enceintes de pierres.
 
Les reliefs accidentés de ce point haut servirent de poste de guet et de défense au cours de la Seconde Guerre mondiale. Dans les Taffoni empierrés transformés en microfortifications et dans des nids de mortiers, creusés dans le sol, les soldats italiens surveillaient la route du col et les rivages, afin de contrôler les passages.
 
  • Arrivé au bout de ce chemin, dirigez-vous à l'intersection à gauche, puis poursuivez tout droit jusqu'à votre stationnement.
 
Le gestionnaire du site intervient ici avec un art consommé. Les chemins sont aménagés avec des pierres alentour de façon à agencer les lieux le plus naturellement possible. L'objectif à atteindre est que la main de l'homme soit la plus discrète possible, et c'est réussi.